La fin de l’emploi tel que nous le connaissions
Avons-nous atteint ce point de rupture dans l’histoire du travail où l’emploi classique de 9h à 17h, la progression de carrière en entreprise, et la stabilité professionnelle sont devenus de simples illusions ?
Le concept d’un emploi sûr, gratifiant, évolutif et valorisé semble s’effondrer progressivement. Non pas à cause d’un événement unique, mais d’un glissement lent et cumulatif où la technologie, la culture d’entreprise et l’évolution des générations redéfinissent profondément notre rapport au travail
L’intelligence artificielle a redéfini les règles du jeu
L’intelligence artificielle ne remplace pas seulement des tâches. Elle bouleverse tout un système fondé sur la valeur humaine dans la production
Pendant des années, les entreprises ont embauché à la chaîne des employés pour effectuer des tâches répétitives, souvent limitées à remplir des bases de données ou à utiliser des outils numériques complexes devenus eux-mêmes des labyrinthes inefficaces
Après la pandémie, avec la généralisation du télétravail et l’adoption forcée des méthodes agiles, ces processus ont été détournés, exagérés et amplifiés
Lorsque les dirigeants ont réalisé, parfois trop tard, que la productivité ne suivait pas, ils ont réagi avec brutalité : réduction massive des effectifs, automatisation accélérée, et transformation brutale des fonctions RH
Résultat en 2025 : l’utilité même de la main-d’œuvre est remise en question. Pourquoi embaucher quelqu’un qui peut tout faire via son smartphone, de n’importe où, en interrogeant une IA et en remplissant des cases sur Jira ?
La logique de rentabilité extrême pousse à se demander non plus “comment améliorer le travail”, mais “pourquoi maintenir le travail humain”
La Génération Z ne joue plus le même jeu
Interrogez un jeune diplômé sur sa recherche d’emploi et vous obtiendrez une réaction aussi désabusée que directe
Ce n’est pas seulement que l’entrée sur le marché du travail est difficile, c’est que le sens même de ce travail est flou, décourageant, voire absurde
L’éducation, autrefois perçue comme la clé de la réussite, est aujourd’hui vue comme un investissement risqué sans garantie de retour
De nombreux jeunes ne croient plus en l’idée de faire carrière. Ce qu’ils perçoivent, ce sont des postes vides de sens, une pression constante pour “performer” sans reconnaissance, et une instabilité systémique
Leur frustration est légitime. Beaucoup vivent une crise existentielle professionnelle à 25 ans, refusant de sacrifier leur bien-être pour des promesses de promotions hypothétiques
L’économie actuelle n’offre que peu d’alternatives crédibles. Résultat : la génération montante ne rejette pas le travail, mais refuse l’idée d’un emploi figé, monotone, impersonnel
Une génération X mise de côté
Loin d’être un conflit intergénérationnel, le malaise touche aussi les plus expérimentés
L’âgisme est devenu un phénomène structurel dans les entreprises modernes. L’expérience est souvent perçue comme un frein plutôt qu’un atout
La “culture d’entreprise” s’est transformée en tribalisme : les jeunes dynamiques sont préférés aux profils seniors, supposés trop rigides ou coûteux
Cette logique se retourne contre les entreprises elles-mêmes. En privilégiant l’énergie à l’expertise, elles sacrifient la continuité, la stratégie à long terme, et la capacité à faire croître des équipes de manière cohérente
Le management est abandonné au profit de l’improvisation. L’autorité est remplacée par des “leaders” éphémères portés par des buzzwords et une vision à court terme
Mais sans vision stratégique, même la meilleure énergie s’épuise. Sans cap, les équipes s’essoufflent, les talents quittent le navire, et la culture d’entreprise devient un slogan vide
Et si les salariés étaient tous devenus des prestataires déguisés ?
L’illusion du “bon emploi stable” n’a peut-être jamais réellement existé. Depuis l’après-guerre, l’image du contrat à vie et de la montre en or à la retraite a servi à vendre l’éducation, les crédits, la fidélité à l’entreprise
Mais aujourd’hui, nous constatons la réalité : chaque salarié est devenu un contractuel à durée indéterminée mais révocable à tout moment
Les CDI sont maintenus juridiquement, mais dans l’esprit, nous vivons déjà dans une économie de contrats. Mois après mois, performance après performance
La montée de l’IA renforce cette logique : si une tâche peut être effectuée à distance, elle peut être automatisée. Si elle peut être automatisée, elle n’a plus besoin d’un humain
Même les profils les plus performants, les “stars” de l’entreprise, finissent par devenir frustrés. Bloqués entre leur potentiel, leur ambition, et la bureaucratie algorithmique, ils se demandent si leur poste a encore un sens
Ils deviennent eux-mêmes des fondateurs potentiels, des freelances en puissance, cherchant une sortie du système plutôt qu’une place en haut de l’échelle
Sommes-nous encore faits pour être employés ?
L’évolution du travail n’est pas seulement une question économique ou technologique. C’est un changement de paradigme sociétal
Les jeunes veulent de l’impact, du sens, de l’autonomie. Les plus âgés cherchent la reconnaissance, la stabilité et la possibilité de transmettre
Or le système actuel ne propose ni l’un ni l’autre. Il promeut la flexibilité sans protection, la performance sans progression, l’innovation sans vision
Ce n’est pas seulement le travail qui est en crise. C’est l’idée même d’un emploi structuré, d’une hiérarchie stable, d’une mission durable
Les entreprises doivent désormais répondre à une question fondamentale : comment donner envie aux gens de travailler pour vous, et non avec vous ?
Conclusion :
Nous ne pouvons pas revenir au monde d’avant. L’emploi classique tel qu’il a existé au XXe siècle est devenu obsolète face aux avancées de l’IA, aux attentes des nouvelles générations et à l’économie globale
Mais nous avons encore une opportunité : réinventer le travail
Cela passe par une refonte totale du contrat social entre entreprises et travailleurs. Par la reconnaissance que l’humain a encore une place, mais une place différente
L’avenir du travail ne sera ni totalement automatisé, ni 100 % freelance. Il sera hybride, flexible, mais structuré autour de valeurs réelles : sens, collaboration, développement personnel et collectif
C’est à ce prix que le mot “emploi” retrouvera une légitimité
Sinon, nous continuerons à vivre dans cette simulation professionnelle, où l’on prétend encore travailler, alors que l’on exécute des tâches automatisables, sous le regard silencieux d’une IA qui, elle, n’a jamais besoin de pause

Sébastian Magni est un Spécialiste du SEO et Inbound Marketing chez @LCM